« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », qui aurait cru qu’un jour cette célèbre citation du grand chimiste Lavoisier pourrait s’appliquer à la bouse de vache ? Sûrement pas nous ! Et pourtant nous allons vous montrer dans cet article que nous pourrions bien nous mettre à vénérer les vaches puisqu’elles pourraient bien sauver notre environnement. Leurs excréments pourraient bien être une source d’énergie renouvelable bien surprenante. Le biométhane est-il une solution d’avenir ?
Des excréments à la rescousse de l’environnement
Le procédé qui permet de créer du gaz à partir de notre bouse de vache (car oui l’objectif est bien de créer du gaz !) se nomme la méthanisation.
Mais qu’est-ce que c’est ?
La méthanisation consiste à placer des effluents agricoles (ici les excréments de vache) dans des espaces sans dioxygène : les méthanisateurs, afin que les micro-organismes dégradent la matière. Résultent alors de cette réaction : du biogaz, qui est constitué principalement de méthane (CH4), et qui pourra être valorisé de deux façons pour produire de l’énergie, et le digestat, utilisé comme fertilisant pour les sols.
Les deux valorisations énergétiques du biogaz sont :
- La cogénération, par laquelle le biogaz est utilisé pour alimenter un moteur à combustion qui va entraîner un alternateur pour produire de l’électricité.
- L’injection, par lequel le biogaz est Ă©purĂ© pour ne conserver que le mĂ©thane et devient du biomĂ©thane, aussi appelĂ© « gaz vert ».
Dans les deux cas, un résidu, le digestat, résulte du processus et est utilisé comme fertilisant naturel pour les terres agricoles ou pour remplacer les engrais chimiques.
La combustion du biométhane continue bien sûr à libérer du CO2 mais, sans combustion, la dégradation naturelle des déchets verts aurait rejeté ce méthane dans l’atmosphère. Or le méthane est un g.e.s. (gaz à effet de serre) 25 fois plus puissant que le CO2 à l’échelle d’un siècle !
L’intérêt ici est donc d’éviter la combustion du méthane d’origine fossile qui, lui, aurait pu rester stocké encore des millions d’années dans nos sous-sols. Ainsi, sur un cycle de vie, le biométhane a la particularité d’être de 70 à 80 % moins émetteur de CO2 que le gaz fossile.
Des excréments, source économique !
La méthanisation permet aux agriculteurs de réaliser des économies en utilisant un engrais organique et naturel, le digestat. En produisant du gaz et en le revendant, les agriculteurs peuvent bénéficier d’un revenu plus important, qui ne dépend pas des aléas du marché ou de la météo, pérennisant ainsi leur activité.
Les usines de méthanisation peuvent ainsi jouer un rôle important au sein d’une région grâce à la création de nouveaux emplois, en valorisant le territoire par la qualité des sols et des nappes phréatiques améliorée par la diminution d’utilisation d’engrais chimiques, en pérennisant une agriculture française et le développement d’une filière renouvelable à coût maîtrisé, tout en diminuant l’importation de gaz dans le pays et donc le déficit commercial.
De la vache Ă la prise de courant
Il est maintenant l’heure de parler de chiffres ! Quoi de mieux pour vous montrer les bénéfices de cette technique que de l’appliquer à un cas réel.
Nous allons prendre l’exemple des vaches de Dominique Bousquet (exploitant dans les Hautes-Pyrénées).
Ses 80 vaches produisent, chaque jour, 6 tonnes de déchets. Si on ramène cela sur 1 mois de 30 jours, on arrive à 180 tonnes.
Nous savons que l’on peut produire 30 m3 de biogaz par tonne de déjections animales. Ainsi on produit 5400 m3 de biogaz.
Poursuivons :
Le biogaz est composé d’environ 60 % de méthane, gaz qui a un potentiel énergétique d’environ 10 kWh/m³. Nous avons alors 32 400 kWh d’énergie primaire. Avec un rendement de conversion du méthane en éléctricité de 35 %, on obtient 11 340KWh d’électricité par mois, environ 11344 X 12 = 136000 kWh par an (136 MWh/an). Avec une consommation moyenne annuelle par français d’environ 2,2 MWh/an, cela représente la consommation annuelle de plus de 60 français ; et ça avec seulement 80 vaches !
Imaginez si on développe cette technique en France, en mobilisant le plus d’agriculteurs possible ! On peut rapidement obtenir une production d’électricité très intéressante.
Alors que le biogaz reprĂ©sente moins de 1 % de notre consommation de gaz, contre plus de 20 % au Danemark, les usines de mĂ©thanisation pourraient-elles fournir assez d’Ă©lectricitĂ© pour tout le pays ?
Avec 18 millions de bovins dans le pays, ce serait presque 20 % de notre consommation qui pourrait être assurée, et ceci sans compter les autres déchets verts qui peuvent aussi être valorisés par méthanisation !
Si mathématiquement le résultat est vraiment probant, en réalité, cela demanderait un nombre impressionnant de méthaniseurs ou de grosses usines avec des transports par camion, et donc des conséquences environnementales non négligeables !
Mais alors qu’est-ce qu’on attend ?
Malgré ces avantages, cette méthode fait débat, notamment dans les régions où elle est la plus développée, comme en Bretagne ou en Normandie.
Si la technique n’est pas bien maitrisée, il peut y avoir des risques de pollution : le digestat pose problème puisque le processus de méthanisation chauffe les matières organiques à 40°C, ce qui ne permet pas d’éliminer toutes les substances pathogènes. Ce digestat, voué à être épandu dans les champs, peut s’infiltrer jusque dans les nappes phréatiques et risque de polluer l’eau et les sols.
Il peut aussi y avoir des rejets de gaz dans l’air en plus du mĂ©thane, comme le protoxyde d’azote produisant alors une forte odeur d’ammoniac.
De plus, il n’est pas rare que suite Ă des problèmes, des rĂ©sidus soient relâchĂ©s dans la nature et polluent l’eau comme ça a Ă©tĂ© le cas dans le Finistère. Lorsque les usines sont proches de cours d’eau menant jusqu’Ă l’ocĂ©an, les dĂ©chets peuvent aller mĂŞme jusqu’Ă le polluer.
Enfin, à cause de la forte concentration de gaz dans un endroit clos, si les mesures de sécurités ne sont pas prises, les centres de méthanisation peuvent exploser et provoquer des incendies ; ces tristes événements ont malheureusement déjà vu le jour. Nous pouvons donc comprendre l’inquiétude des habitants à proximité de telles usines.
L’investissement de départ est également très élevé même si certaines associations et l’Etat proposent des aides afin de développer cette alternative.
De plus, le risque d’un accaparement massif des surfaces à vocation alimentaire pour alimenter directement les méthanisateurs est à surveiller tout comme l’envolée du prix du terrain agricole qui pourrait en découler !
Pour encourager la méthanisation dans la transition énergétique du pays, une mission sénatoriale a réalisé 61 propositions pour encadrer son développement tout en diminuant les risques liés à cette technique de production d’énergie renouvelable.
Le pouvoir des vaches semble donc être énorme pour produire de l’énergie plus verte, alors saurons-nous l’exploiter correctement pour contribuer à la protection de notre environnement ?
Maëllis Daussat, Imane Lahrizia, Bastien Lavit, Gwenaëlle Mancel & Laure Olive.